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Regards croisés, médiatrices indépendantes #3 – Claire Buisson

Aujourd’hui, la médiation culturelle innove et se renouvelle en sortant des théâtres, des musées ou des bibliothèques pour inventer d’autres chemins à leur côté.

En choisissant de devenir indépendante, j’ai eu besoin de rencontrer d’autres médiateurs – médiatrices principalement – qui ont fait un pas de côté et qui ont osé se lancer dans des projets de médiation innovant. L’échange de pratiques étant essentiel à mes yeux, je partage avec vous ces rencontres, dans l’espoir qu’un jour nous puissions tous-tes se regrouper pour valoriser ces nouvelles formes de médiations.

Je vous propose le portrait de personnes inspirantes, passionnées et engagées.
Le principe : les inviter à répondre à 5 questions à priori simples et enfantines mais qui viennent questionner le sens de notre métier et de notre engagement.

Troisième rencontre avec…

Claire Buisson
Recherche, pédagogie et chorégraphie

Qui es-tu ?

Je suis Claire Buisson. Je viens du sud-ouest, j’ai vécu à l’étranger longtemps et je suis revenue à Paris il y a 4 ans. Sur ce chemin, je suis passée par plusieurs endroits :

La recherche d’abord en faisant une thèse et en étant ensuite Maitre de conférences au Département Danse de l’Université de Lille 3.

La pédagogie, en enseignant dès ma thèse à l’université, mais aussi dans d’autres contextes comme des écoles d’art, des formations en Médiation Sociale et dernièrement j’ai même fait un remplacement comme enseignante de français dans un collège.

La création artistique. Pendant un temps j’ai développé mes propres projets de création – scénique et installation – à travers la plateforme dolce punto (D_P)* et j’ai également collaboré pendant deux ans avec le chorégraphe israélien Arkadi Zaides pour sa pièce Talos.

Enfin, la médiation. Comme chorégraphe, j’étais intervenue sur des projets de médiation auprès notamment de patients et soignants d’un hôpital psychiatrique, et d’établissements scolaires. Puis j’ai travaillé spécifiquement comme chargée d’éducation artistique et culturelle dans le Pôle EAC du CND à Pantin pendant presque trois ans. A l’intérieur de ce poste, j’ai été à la fois sur la conception de parcours de médiation, la conception et animation d’ateliers de médiation ainsi que sur la coordination notamment du projet IMAGINE, parcours de médiation en danse proposé à des femmes, et ponctuellement sur la formation. La coordination d’IMAGINE a été une chance pour moi de rassembler mes différentes approches : être à la fois dans une réflexivité sur la coopération, comme forme de médiation ; dans une créativité dans la manière de concevoir le processus du projet dans sa globalité, avec un objet final (deux jours de rencontre avec l’ensemble des participantes) ; et dans une approche sensible de ma posture ainsi que dans la manière d’accompagner et prendre soin des relations tissées.

Que fais-tu ?

Aujourd’hui, je poursuis ma démarche, avec le statut d’auto-entrepreneur, mais toujours dans un tissu de collaborations. On pourrait dire en « inter-dépendante »**. Depuis un an, je prends le temps d’analyser les expériences passées, à travers l’écriture d’articles notamment. Cela me donne un cadre pour problématiser et conceptualiser les questions soulevées dans les projets passés. Ces questions sont d’ordre méthodologiques, qui à travers elles racontent des expériences poétiques. J’explore aussi des questionnements pédagogiques. Dans mon cas, il s’agit essentiellement de dynamiques spatio-temporelles et de la place du corps dans les dispositifs de médiation et dans les dispositifs pédagogiques. Cela prend des formes multiples mais rassemblent ces réflexions.

Concrètement, cette année, je conçois, coordonne et co-anime une Résidence artistique en milieu scolaire, le projet s’appelle Organicus diplodocus. J’accompagne un chorégraphe pour qu’il définisse sa démarche avec les publics amateurs, par rapport à son projet de compagnie. Il s’agit de le mettre au travail et de lui transmettre des outils pour qu’il affine son approche et non de m’occuper de son volet “projets avec les publics”. Je participe également à un atelier de recherche avec des enseignants du primaire à l’universitaire, qui réfléchissent à leur pratique et cherchent à concevoir des outils/scénarios***. Et enfin je vais intervenir dans différents contextes (école Duperré, TLA-Tremblay-en-France…).

En parallèle, je poursuis mes lectures sur les approches pédagogiques, l’anthropologie et la dimension corporelle des expériences. L’année 2020 a été une année de transition : tout mettre en plat, voir comment l’articuler, regarder les liens. C’est un peu à l’image de ma manière de travailler : poser à plat sur une feuille des mots clefs, des notions, des objets ; envisager quelles relations tisser (transversales, en binôme, juxtaposition…) ; et ensuite le traduire dans un dispositif spatio-temporel (un atelier, un workshop, un article…).

Pourquoi le fais-tu ?

Je le fais car j’y puise un rapport sensible à la vie, dans lequel je trouve du sens. Je le fais pour générer des rencontres. Ces moments fugaces dans la médiation par exemple où un ange passe. Où tout d’un coup, l’expérience humaine semble complètement alignée. Il n’y a plus de normes, d’exclus, de personnes en difficulté, il n’y a plus un ordre établi et limitant. Mais le groupe fait son propre ordre et cela semble comme magique, fluide, organique. Je crois que c’est pour ces moments infimes que je le fais.

Ces dynamiques relationnelles, avec les autres, avec le sensible, avec des concepts, donnent du sens et apaisent. C’est un nid d’épanouissement. Or cette magie résulte d’un processus en amont, de choix de dispositifs, de qualité de présence. Bref d’une méthodologie créative. En amont les conditions ont été créées pour rendre possible cet instant magique. En ce sens, revenant à la médiation, elle est pour moi création en soi.

Comment le fais-tu ?

Comme je viens de le décrire. Je le fais comme si c’était un processus de création artistique. Ma méthodologie utilise en général un mode de faire assez similaire selon les projets : jeter sur une carte des mots, des idées, des objets, des manières de faire ; peu à peu les organiser, en enlever, en rajouter, les combiner les uns avec les autres, tisser des relations entre les éléments (transversales, en binôme, juxtaposition…) jusqu’à ce qu’à le traduire dans un dispositif spatio-temporel qui pourra être un atelier de médiation, une séquence pédagogique, un programme d’accompagnement… C’est ma partition, dans laquelle je réfléchis par rapport à la question du rythme, de l’espace, d’une dramaturgie – et éventuellement d’autres questions singulières à chaque contexte comme la place du corps, des temps collectifs, individuels ou autonomes, des sources documentaires ou des matériaux plastiques…

Surtout, je cherche à garder un fil sensible, respiré. C’est une question de posture. Garder en moi, à l’intérieur d’un cadre et d’une méthodologie solides, un espace de respiration qui me permette d’accompagner le projet de manière sensible. 

Quelles sont tes aspirations pour l’année à venir ?

Pour cette année, 2021, je voudrais prendre le temps d’écrire sur les enjeux liés au corps, à l’espace et aux postures à partir de l’expérience artistique et de médiation, pour ensuite pouvoir faire le pont vers les pédagogies en contexte scolaire. L’expérience de remplaçante dans un collège m’a permis, même si c’était un temps bref, d’entrevoir avant tout les différences entre la place d’enseignant et la place d’intervenant artistique. Je souhaite d’autant plus formuler des passerelles entre les environnements, et le partager avec des communautés pédagogiques.

J’aimerais travailler essentiellement en collaboration et parvenir à mettre en place un projet de recherche, financé et avec des partenaires et collaborateurs, pour explorer cette articulation dans un cadre public. Et j’aimerais publier un livre, collectif, sur tout cela pour matérialiser et partager cette matière de travail…

 

* Dolce punto (D_P) était une plateforme que j’avais créé (2010-2017) et dans laquelle j’ai collaboré avec différents artistes invités : Daniele Segre Amar, Marion Perrichet, Francesca Manzini, Annie Leuridan, Romain Teule, Thibaud le Maguer, Marie Pons, parmi d’autres et différents lieux culturels : Le Vivat, Le Gymnase-CDCN, L’Echangeur-CDCN, CDCN Toulouse…

** Cf. à ce sujet l’introduction de la conférence de Natasa Petresin-Bachelez « Practices of care : on rehumanization and curating », suivie en ligne le 12 janvier 2021. https://www.facebook.com/events/467087708026867/

*** https://profschercheurs.cri-paris.org/en

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