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Regards croisés, médiatrices indépendantes #1 – Manon Pasquier

Aujourd’hui, la médiation culturelle innove et se renouvelle en sortant des théâtres, des musées ou des bibliothèques pour inventer d’autres chemins à leur côté.

En choisissant de devenir indépendante, j’ai eu besoin de rencontrer d’autres médiateurs – médiatrices principalement – qui ont fait un pas de côté et qui ont osé se lancer dans des projets de médiation innovant. L’échange de pratiques étant essentiel à mes yeux, je partage avec vous ces rencontres, dans l’espoir qu’un jour nous puissions tous-tes se regrouper pour valoriser ces nouvelles formes de médiations.

Je vous propose le portrait de personnes inspirantes, passionnées et engagées.

Première rencontre avec…

Manon Pasquier
P’tit spectateur et cie à Nantes

Qui es-tu ?

Je suis responsable de P’tit Spectateur & Cie, une association spécialisée dans les projets de médiation culturelle créée en 2009 à Nantes. J’ai encore du mal à me définir comme “directrice” (c’est pourtant mon poste) parce qu’au-delà d’assurer la coordination de la structure, je suis avant tout une médiatrice qui passe la moitié de son temps sur le terrain, au contact des enfants et familles avec lesquels nous travaillons. Nous sommes une petite équipe de 3 salariées, très polyvalentes par la force des choses (mais la polyvalence ne serait-elle pas une compétence inhérente au métier de médiateur culturel ?). En parallèle, je découvre le passionnant métier de maman depuis 2 ans.

Que fais-tu ?

En tant que salariées d’une association détachée de tout équipement culturel, nous avons une immense liberté d’action et revendiquant le fait d’être des médiatrices culturelles travaillant de manière pluridisciplinaire, nous pouvons aussi bien travailler autour des arts visuels, du spectacle vivant, du cinéma, de la littérature… Nos journées ne se ressemblent pas et se partagent entre conception et préparation d’ateliers, interventions, réunions et RDV avec des partenaires, montage de projets, de budgets… En vrac pour l’année 2019-2020, je peux citer :

  • des parcours annuels de découvertes au sein de différents quartiers prioritaires,
  • des ateliers en lien avec les programmations de lieux culturels (suite à un spectacle ou une séance de courts métrages par exemple),
  • différents cycles d’interventions en écoles maternelles et élémentaires,
  • une création partagée avec les habitants d’un quartier menée en collaboration avec une cie de danse et une photographe,
  • un projet en partenariat avec une bibliothérapeute autour de l’image de soi dans un CFA…


Pourquoi le fais-tu ?

C’est une question qui ne me quitte jamais et elle devient d’autant plus centrale dans une période complexe comme celle que nous vivons actuellement. Durant les moments de découragement (et ils sont nombreux en tant que médiateur car l’impact de nos actions qui impliquent le personnel voire l’intime de chacun ne sont décidément pas mesurables), je me dis “A quoi bon ? Enfants comme adultes ont bien d’autres priorités, souvent bien d’autres difficultés qui les préoccupent. Et qu’est-ce que l’atelier que je viens de mener va apporter à cet enfant dans son quotidien, dans son adolescence et ses choix de vie ?” Mais quand l’énergie revient (et grâce à toutes ces rencontres et interactions quotidiennes, elle revient aussi vite qu’elle est partie), je me dis “Certes, je n’aurai sûrement jamais la preuve irréfutable que ce moment artistique vécu avec cet enfant sera pour lui primordial. Et bien justement, face à l’incertitude qui nous entoure, misons sur l’avenir à travers des expériences culturelles, qu’elles soient fortes en émotions ou ordinaires, inoubliables ou simplement ancrées dans notre inconscient, déterminantes dans notre parcours ou juste l’équivalent d’une bouffée d’air qu’on inspire puis qu’on expire… et peut-être que ce tout petit moment contribuera, au même titre que de très nombreux facteurs, à tisser positivement nos vies.

Comment travailles-tu ?

Comme beaucoup, je travaille le nez dans le guidon et dans l’urgence, avec finalement mille idées à l’heure (c’est une expression bien sûr, 1 idée par jour c’est déjà énorme) mais aucun temps pour les expérimenter. C’est à la fois captivant, frustrant et épuisant. A cette frénésie s’ajoute le stress tout aussi stimulant que préoccupant de gérer une structure, sa santé financière, son développement… Mais pour relativiser (fruit d’une formation que j’ai suivi ce matin), je dirais que l’essentiel est d’avancer pas à pas, tester, observer et se réajuster, ce qui correspond finalement au comportement adopté par tout enfant dans ses apprentissages au cours de ses premières années.

Comment as-tu vécu le confinement ?

Malgré le net ralentissement de notre rythme habituel effréné, je n’ai finalement pas trouvé le temps de faire un 100ème des choses prévues. Parmi la liste de mes envies pro, il y avait la lecture de très nombreux ouvrages que j’ai embarqués chez moi à la veille du confinement : certains traitent de médiations culturelles bien sûr mais d’autres démontrent ou expliquent comment “le nourrissage culturel” peut remédier à l’échec scolaire, comment passer de “l’errance à l’action” dans une exposition d’art contemporain, en quoi l’apport des neurosciences peut servir des démarches pédagogiques… sans oublier les nombreuses ressources en ligne (conférences, documentaires…) que j’ai simplement eu le temps de lister. Tant pis, ce sera peut-être pour les prochaines vacances, pour plus tard ou pour dans 10 ans (d’ici-là, quel sera notre monde et notre quotidien… pour sûr les recherches dans ces différents domaines auront encore progressé). Mais peu importe, il parait que c’est aussi important de vivre avec des envies qu’on ne réalise jamais !

Pour en savoir plus :

P’tit Spectateur & cie : www.ptitspectateuretcie.fr

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3 comments

Bonjour,

Serait-il possible d’avoir la référence de l’ouvrage qui traite de la manière dont “le nourrissage culturel” peut remédier à l’échec scolaire, svp?

Merci d’avance,

Romane

Bonjour Romane,
Après avoir retrouvé le livre en question, je peux vous répondre : il s’agit de “L’enfant et la peur d’apprendre” de Serge Boimare (notamment psychopédagogue et ancien instituteur indique sa bio en 4ème de couverture). Et quand l’auteur parle de “nourrissage culturel”, il évoque principalement comment il a utilisé la force de grands récits et textes mythologiques auprès d’élèves en difficultés.
Bonne lecture si jamais cela vous tente !
Manon

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