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Quelles politiques culturelles pour la jeunesse ?

Que signifie vraiment “politique aujourd’hui” ? Comment se confronter réellement aux sujets qui grattent, qui créent des tensions ?

Quelles politiques culturelles pour la jeunesse ?

J’assistais les 11 et 12 mai dernier au TNP de Villeurbanne aux rencontres nationales « Cultures et politiques de la jeunesse ». Un sujet passionnant avec lequel je repars avec plus de questions que de réponses, comme c’est souvent le cas… mais aussi avec un sentiment étrange… Cette phrase de Fabrizio Terranova me revient en la tordant un peu « Ça ne suffit pas ! Dire ce que l’on sait déjà, ça ne suffit pas. Mais qu’est-ce qu’on va faire autrement ? c’est peut-être une autre question. » 

On a entendu des chercheurs, des fonctionnaires de la culture et de l’éducation et très brièvement des acteurs de terrain.

Le colloque a commencé par questionner ce qu’est la jeunesse ? quel engagement de la jeunesse ? et comment être à l’écoute de cette jeunesse ? Des prises de parole d’Alice Barbe, entrepreneuse et co-fondatrice de SINGA, Claire Thoury, présidente du mouvement associatif et Augustin Vicard, directeur de l’Institut de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) modéré par Edouard Zambeaux, journaliste. Ils n’appartiennent pas au monde de la culture mais du monde associatif, de l’éducation populaire et de l’entrepreneuriat. C’était riche et frais pour réinterroger nos pratiques culturelles. Il a été question de mutation de notre secteur, de partage de pouvoir qui passe aussi par le partage de la parole.

Et puis on a entendu des discours plus classiques, des communications, toutes intéressantes, certaines plus pertinentes que d’autres. Mais j’ai eu le sentiment que ça éteignait ce que les échanges du matin avait fait surgir comme manques, enjeux et défis à relever pour s’adresser à la jeunesse dans le secteur culturel.

Alors je m’interroge : comment faire cohabiter les enjeux ? Accueillir la culture des jeunes et mener des vrais projets d’éducation populaire tout en répondant à l’excellence de la création artistique défendue par le Ministère de la Culture ?

Comment faire cohabiter les paroles ?  Pourquoi lors d’une journée comme celle-ci, ne donnons-nous d’ailleurs pas l’exemple en mélangeant davantage les paroles avec un modérateur qui accorde une valeur, une légitimité à chacun. Puisqu’il a été question de cela aussi. C’est un défi d’accorder ces paroles quand elles ne sont pas aux mêmes endroits. Certaines sont dans le faire, d’autres dans les concepts mais il y a des endroits de rencontre. Si c’est construit avec des outils qui accompagnent la pensée telle qu’est la pratique philosophique ou la facilitation en intelligence collective, cela garantit un échange constructif et inspirant pour véritablement faire agora et ne pas simplement tomber dans l’échange d’opinion ou un consensus mou dont il a été question aussi.

« Comment faire cohabiter les enjeux ? Accueillir la culture des jeunes et mener des vrais projets d’éducation populaire tout en répondant à l’excellence de la création artistique défendue par le Ministère de la Culture ?

Les chercheurs présents, qu’ils soient sociologue, pédagogue, philosophe, ont pointé le manque de réinterrogation des mots, de la nécessité de les questionner collectivement. Pourquoi ces journées, dont la question politique est au cœur, ne sont pas l’occasion de vrais débats, non pas polémiques mais citoyens en tant que professionnels de la culture, de l’enfance, de la jeunesse dans l’engagement que nous portons. Car l’engagement des jeunes a été questionné mais qu’en est-il du notre ? en tant que professionnels de la culture et de l’enfance-jeunesse ? que l’on soit sur le terrain ou dans un bureau ne restant en lien avec le terrain que par le prisme de rapport. Quelles places sommes-nous vraiment prêts à faire à cette jeunesse ? Y a-t-il réellement d’autres préoccupation que celle du renouvellement des publics vieillissants dans les institutions culturelles ? (un vieux discours aussi d’ailleurs !).

Pourquoi sur des journées comme celles-ci où l’EAC apparaît comme un enjeu majeur, lorsqu’il est question de culture et de jeunesse, nous n’avons pas entendu des artistes, des médiateurs et l’engagement qu’ils portent au quotidien sur le terrain face à cette jeunesse ? Pourquoi les gens du terrain, les jeunes ne sont intervenus qu’aux interstices ?

L’art et la culture sont le cœur de notre humanité mais ce sont aussi des concepts qui se sont construits au fil des siècles. On parle tantôt d’art tantôt de culture pour éluder que l’art est aussi un instrument reproducteur de classes sociales. Qu’il y a des glissements de langage, quand la culture devient culture artistique. Culture d’élite vs culture populaire : que fait-on de cette réalité ? 

Tous ces sujets sont politiques et font débat mais n’est pas le propre de journées comme celles-ci ? Comment se confronter réellement aux sujets qui frottent, qui grattent, qui créent des tensions ?

Et je ne parle pas des sujets qui n’ont pas été évoqués. 

Pourquoi si l’EAC est un enjeu majeur de cette politique culturelle envers la jeunesse n’y a t-il pas plus de moyens ? Certes, il y a des chiffres mais comme le disait Philippe Meirieu lors de son débat controverse, « les chiffres sous la torture, ils diront ce qu’on veut ». Pourquoi n’avons-nous pas parlé du Pass culture et des nouvelles logiques qu’il implique ? Pourquoi n’avons-nous pas parlé des logiques d’appels à projet ? Laissent-ils vraiment toute la place pour inventer des projets singuliers comme on le laisse à penser ? Et quid du saupoudrage ? Dans une région actuellement victime de la censure, ne nous censurons-nous pas d’abord nous-même ? Liberté et Expression qui doivent être protégés des enjeux de pouvoir comme l’évoquait très justement le directeur de la #DRAC Auvergne Rhône Alpes, une douce utopie ?

2 jours, certes c’est court, on ne peut parler de tout, il faut faire des choix. Mais justement le temps manque toujours pour parler des sujets de fond. Une journée comme celle-ci n’est-elle pas propice à retrouver un peu plus d’agora sur ces sujets politiques ? 

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